Ma liberté, longtemps je t’ai gardée…
Notre sélection de films de 2020 fait suite à notre premier bilan de l’année venant de s’achever, qui concernait un récapitulatif de nos albums préférés, et dans lequel nous évoquions la difficulté comme tous les français, et la majorité des citoyens du monde, à se réunir. Ce qui fait normalement comité de rédaction n’est désormais porté que par l’illusion d’un média numérique, entretenu par tous les moyens de communications virtuels à notre disposition. Dans ces conditions, celles d’une distanciation rude, d’une numérisation quasi-totale devenue nécessaire, d’une fermeture de tous nos lieux culturels, l’année a été très difficile à Good Time, et nous n’avons que très peu pu voir les mêmes œuvres et encore moins échangé collectivement dessus. C’est pour cela qu’à défaut d’un classique Top 10, nous vous proposons une sélection riche de films et séries qui nous ont marqués chacun en tant qu’individu. Comme nous le disions dans le précédent article, plus encore qu’un collectif uni par notre passion commune, nous sommes des singularités qui se rencontrent, et ce sont bien nos différences qui permettent de faire littéralement revue de l’activité culturelle aujourd’hui en crise.
Le 23 décembre 2020, deux nouvelles libertés fondamentales ont rejoint la liste de celles protégées par l’article L 521-2 du code de justice administrative : la liberté de création artistique et celle d’accès aux œuvres culturelles. Pour la première fois de notre République, l’accès à la Culture (non au patrimoine) est un droit aussi essentiel que la liberté d’expression, de pensée, de grève, d’aller et venir, et de dignité à la personne (tandis que les lieux culturels, eux, restent paradoxalement « non-essentiels »)… Lorsque l’on fait la liste non exhaustive de ces acquis citoyens, sociétaux et philosophiques, notre colère s’accroît en regard des choix ambigus et autoritaires de l’exécutif tout puissant du gouvernement en place. Les inégalités diverses s’accroissent, la pauvreté tue plus encore que le virus, les violences répressives se démultiplient, et notre parole d’individu légalement et moralement en droit de se prononcer, disparait derrière le bon-vouloir des plus puissants.

Nous perdons peu à peu des droits inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté », chose privée lorsque seule une poignée de professionnels de la profession peuvent exercer librement leur activité. Elément repris dans la Déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle (2001) insistant sur le fait que les droits culturels sont indissociables des droits de l’homme, ceux-ci étant définis comme le droit d’avoir accès et de prendre part à la culture et d’en bénéficier. Plus que jamais ces droits doivent être ramenés au cœur des enjeux actuels, car sont au fondement même de notre crise sociale. Ils révèlent notre distance de plus en plus grande entre nos désirs de femmes et hommes avec un système libéral désincarné.
La fermeture des cinémas et des lieux culturels accélèrent un processus à l’œuvre depuis des années : la dématérialisation de nos pratiques culturelles. Des centaines de films qui devaient sortir en salles en 2020 ne trouveront sans doute jamais leur place sur les écrans. Les grands exploitants dans l’attente perpétuelle des gros blockbusters américains n’en ont que faire de toutes les œuvres en détresse mais peu rentables qui forment pourtant 90% des films produits. Ainsi ce sont les plateformes qui prennent le dessus, rompant lentement notre système de protection des salles, des exploitants, des distributeurs, des spectateurs… C’est un système économique qui s’effondre, laissant comme vestige les vieux rêves enfouis de se retrouver physiquement dans une salle pleine pour profiter collectivement d’une même pratique.
Plus généralement, c’est l’expérience même de la Communauté qui s’éteint. Le coup définitif a été la promulgation de la loi sécurité globale en pleine crise sanitaire. En plus de nous contraindre à un rythme robotique de métro, boulot, dodo, sous couvert d’une attestation rigoureuse, désormais l’Etat assume son rôle de Police Gouvernante, devenant seule détentrice des images du monde par une surveillance permanente. L’Etat fige le monde à son image, une plateforme délavée de ses impuretés, où l’ordre règne de façon aussi rigoureuse et abusive que les mécaniques invisibles du système financier. Cette perte d’un rapport physique au monde nous sépare, nous éloigne. Nous souffrons de cette distance imposée qui nous déshumanise. Car la société c’est avant tout un milieu, un ethos. Depuis les philosophies antiques, et donc les débuts de la démocratie, l’individu se construit dans et avec le monde tangible. Une société qui nous prive de ce rapport réel nous dépossède de nos expériences proprement humaines. C’est en cela que nous pouvons désigner l’immoralité des décisions prises, au-delà même de ce contrôle usurpatoire prônant une sécurité totalisante, et de la violence répressive des punitions, menaces quotidiennes qui pèsent sur nous comme des épées de Damoclès.

Notre réconfort à Good Time, en tant que magazine culturel, aura été les quelques œuvres qui survivent dans cet amas d’incohérence et qui prouvent souvent la nécessité de résister. C’est une résistance poétique dans le Hong Sang-soo, dont le cinéma ne cesse de mettre les conflits émotifs et existentiels au cœur de sa mise en scène. Mais il y a aussi les films ouvertement politiques, comme le film d’enquête poignant de Todd Haynes, la dernière pertinente et touchante réflexion sur l’héroïsme de Clint Eastwood, ou bien encore le film de procès d’Aaron Sorkin, rappelant les grands drames humanistes de Sidney Lumet que nous chérissons dans la rédaction. Il y a également toutes ces comédies qui donnent encore de l’espoir dans la possibilité de faire communauté, comme le dernier Judd Apatow, et le Kervern-Délépine. Nous avons aussi été touchés par ces films rappelant l’inscription de l’individu perdu dans une nature pleine de ressources comme c’est le cas chez Gu Xiaogang, ou bien même chez Caroline Vignal dans une autre manière. Ce sont ces films profondément humains et sincères qui nous touchent, ces films mettant en valeur la nécessité de l’amitié (Sébastien Lifshitz), l’amour et la beauté des petits événements du quotidien (le dernier Pixar), la nécessité de la consolation collective (Abel Ferrara), et le besoin urgent du temps de la contemplation et du repos (Jonas Trueba).
Enfin l’œuvre qui nous aura le plus touchés, quasiment unanimement et sans surprise, cela aura été le dernier film des frères Safdie (à qui l’ont doit déjà le nom de notre revue). Si nous regrettons de ne pas avoir pu admirer leur dernière prouesse sur grand écran, nous restons stupéfaits face à l’énergie qui se dégage de leur cinéma. Leur jeunesse, leur vitalité, leur humour, leur espoir (même dans le désespoir), leur sens du cadre, sont toutes les qualités dont le nouveau cinéma a besoin afin d’exposer la nécessité de cet art qui a toujours su parler de et à notre présent, et éclairer notre avenir.
Là-dessus, nous vous souhaitons à toutes et tous une très bonne année, qu’elle soit enrichissante et pleine de découvertes !
(écrit par Robin Bertrand, Crédit photo de couverture : Uncut Gems, Netflix 2020)
La sélection de la rédaction
- Uncut Gems, Josh et Benny Safdie
- Séjour dans les monts Fuchun, Gu Xiaogang
- Eva en août, Jonás Trueba
- Soul, Pete Docter
- Tommaso, Abel Ferrara
- Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, Emmanuel Mouret
- First Love, le dernier Yakuza, Takashi Miike
- Hotel by the river, Hong Sang-soo
- Je veux juste en finir, Charlie Kaufman
- Antoinette dans les Cévennes, Caroline Vignal
- Le Cas Richard Jewell, Clint Eastwood
- Madre, Rodrigo Sorogoyen
- Drunk, Thomas Vinterberg
- Dark Waters, Todd Haynes
- The King of Staten Island, Judd Apatow
- Effacer l’historique, Gustave Kervern et Benoît Délépine
- Invisible Man, Leigh Whannell
- Adolescentes, Sébastien Lifshitz
- Malmkrog, Cristi Puiu
- Les Sept de Chicago, Aaron Sorkin

La sélection de Robin Bertrand
- Madre, Rodrigo Sorogoyen
- Larry et son nombril (saison 10), créé par Larry David (HBO)
- Malmkrog, Cristi Puiu
- Borat : Nouvelle Mission Filmée, Jason Woliner
- Tommaso, Abel Ferrara
- Uncut Gems, Josh et Benny Safdie
- Séjour dans les monts Fuchun, Gu Xiaogang
- Adolescentes, Sébastien Lifshitz
- Les Sept de Chicago, Aaron Sorkin
- The Wolf of Snow Hollow, Jim Cummings
- First Love, le dernier Yakuza, Takashi Miike
- Eva en août, Jonás Trueba
- Hotel by the River, Hong Sang-soo
- Invisible Man, Leigh Whannell
- Effacer l’historique, Gustave Kervern et Benoît Délépine
- Le Cas Richard Jewell, Clint Eastwood
- Soul, Pete Docter
- Josep, Aurel
- Antoinette dans les Cévennes, Caroline Vignal
- Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, Emmanuel Mouret
- BoJack Horseman (saison 6), créé par Raphael Bob-Waksberg (Netflix)

La sélection de Louis Bourgeois
- Madre, Rodrigo Sorogoyen
- The Haunting of Bly Manor, créé par Mike Flanagan (Netflix)
- Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, Emmanuel Mouret
- Séjour dans les monts Fuchun, Gu Xiaogang
- The King of Staten Island, Judd Apatow
- La femme qui s’est enfuie, Hong Sang-soo
- Malmkrog, Cristi Puiu
- Les Sept de Chicago, Aaron Sorkin
- Eva en août, Jonas Trueba
- Hotel by the River, Hong Sang-soo
- Uncut Gems, Josh et Benny Safdie
- Le Cas Richard Jewell, Clint Eastwood
- Antoinette dans les Cévennes, Caroline Vignal
- First Love, le dernier Yakuza, Takashi Miike
- Tommaso, Abel Ferrara
- Dark Waters, Todd Haynes
- The Vast of Night, Andrew Patterson
- On the Rocks, Sofia Coppola
- Effacer l’historique, Benoît Delépine et Gustave Kervern
- Je veux juste en finir, Charlie Kaufman
- Soul, Peter Docter
- The Vigil, Keith Thomas

La sélection de Hugo Palazzo
- Madre, Rodrigo Sorogoyen
- Antidisturbios (mini-série), créé par Isabel Peña et Rodrigo Sorogoyen (Movistar+, Canal+)
- Never Rarely Sometimes Always, Eliza Hittman
- I Know This Much Is True (mini-série), créé par Derek Cianfrance (HBO, OCS)
- The Nightingale, Jennifer Kent
- Extra Ordinary, Mike Ahern et Enda Loughman
- Jojo Rabbit, Taika Waititi
- Uncut Gems, Benny et Josh Safdie
- Adoration, Fabrice du Welz
- Drunk, Thomas Vinterberg
- La Fille au bracelet, Stéphane Demoustier
- The Kid Detective, Evan Morgan
- Dark Waters, Todd Haynes
- Felicità, Bruno Merle
- Benni, Nora Fingscheidt
- Birds of Prey, Cathy Yan
- Énorme, Sophie Letourneur
- Killing Eve (saison 3), créé par Phoebe Walter-Bridge (BBC)

La sélection de Clément Marguerite
- Séjour dans les Monts Fuchun, Gu Xiaogang
- Uncut Gems, Josh et Benny Safdie
- Tommaso, Abel Ferrara
- Malmkrog, Cristi Puiu
- Eva en août, Jonás Trueba
- Effacer l’historique, Gustave Kervern et Benoît Délépine
- Soul, Pete Docter
Quelques films bonus…
- First Love, le dernier Yakuza, Takashi Miike
- Adolescentes, Sébastion Lifshitz
- Madre, Rodrigo Sorogoyen
- Invisible Man, Leigh Whannell
- Les Sept de Chicago, Aaron Sorkin
- Antoinette dans les Cévennes, Caroline Vignal
- Kajillionnaire, Miranda July
- Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, Emmanuel Mouret

La sélection d’Anna Darrieutort
- Été 85, François Ozon
- The King of Staten Island, Judd Apatow
- Les Filles du Docteur March, Greta Gerwig
- Adieu les cons, Albert Dupontel
- Soul, Pete Docter
- Ema, Pablo Larraín
- Le Jeu de la dame (mini-série), créé par Scott Frank et Allan Scott (Netflix)
- Play, Anthony Marciano
- Invisible Man, Leigh Whannell
- Je veux juste en finir, Charlie Kaufman
- Uncut Gems, Josh et Ben Safdie
- Un jour si blanc, Hlynur Pálmason
- Benni, Nora Fingscheidt

La sélection de Simon Dechauffour – Kronenberg
- Abou Leila, Amin Sidi-Boumédiène
- Dave (saison 1), créé par Lil Dicky et Jeff Schaffer (FX)
- Le Bureau des légendes (saison 5), créé par Eric Rochant (Canal+)
- Drunk, Thomas Vinterberg
- Uncut Gems, Ben et Josh Safdie
- Séjour dans les Monts Fuchun, Gu Xiaogang
- Paatal Lok (mini-série), créé par Sudip Sharma (Amazon Prime Video)
- In My Room, Mati Diop
Quelques films bonus…
- Je veux juste en finir, Charlie Kaufman
- First Love, le dernier Yakuza, Takashi Miike
- Gangs of London (saison 1), créé par Gareth Evans (Sky Atlantic)

La sélection d’Andrea Taverna (spécial séries)
- The Mandalorian (saison 2), créé par Jon Favreau et Dave Filoni (Disney +)
- The Crown (saison 4), créé par Peter Morgan (Netflix)
- Normal People (saison 1), créé par Lenny Abrahamson et Hettie Macdonald (BBC)
- The Clone Wars (saison 7), créé par George Lucas et Dave Filoni (Disney +)
- The Haunting of Bly Manor, créé par Mike Flanagan (Netflix)
- She-ra (saison 5), créé par Noelle Stevenson (Netflix)
- The Great (saison 1), créé par Tony McNamara (Starzplay)
- Le Jeu de la Dame (mini-série), créé par Scott Frank et Allan Scott (Netflix)
- The Owl House (Luz à Osville, saison 1), créé par Dana Terrace (Disney +)
- BNA : Brand New Animal (saison 1), créé par Studio Trigger (Fuji TV)
- Unorthodox (mini-série), créé par Anna Winger et Alexa Karolinski (Netflix)
- Self Made : inspired by the life of Madam CJ Walker (mini-série), créé par Kasi Lemmons et DeMane Davis (Netflix)
- Ratched (saison 1), créé par Evan Romansky et Ryan Murphy (Netflix)

La sélection de Marianne Pedrono
- Les Traducteurs, Régis Roinsard
- Soul, Pete Docter
- Loin de moi, près de toi, Jun’ichi Satō & Tomotaka Shibayama
- Été 85, François Ozon
- Jojo Rabbit, Taika Waititi
- L’Adieu, Lulu Wang
- Invisible Man, Leigh Whannell
- Le diable tout le temps, Antonio Campos
- Holidate, John Whitesell
- À tous les garçons : P.S. Je t’aime toujours, Michael Fimognari
- Play, Anthony Marciano
Quelques films bonus…
- Les Nouvelles Aventures de Sabrina (saison 2 P.3 & 4), créé par Roberto Aguirre-Sacasa (Netflix)
- Spinning Out, série créée par Samantha Stratton
- Sex Education (saison 2), créé par Laurie Nunn (Netflix)
- Peninsula, Sang-ho Yeon

La sélection de Louis Le Corno
- Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, Emmanuel Mouret
- Ondine, Christian Petzold
- Petite fille / Adolescentes, Sébastien Lifshitz
- Dark Waters, Todd Haynes
- Antoinette dans les Cévennes, Caroline Vignal
- Drunk, Thomas Vinterberg
- Mank, David Fincher
- 1917, Sam Mendes
- Séjours dans les Monts Funchun, Gu Xiaogang
- Eva en août, Jonas Trueba
- Bienvenue à Schitt’s Creek (saison 6), créé par Dan Levy & Eugene Levy (CBC)
- Ozark (saison 3), créé par Bill Dubuque & Mark Williams (Netflix)
- Uncut Gems, Josh et Ben Safdie
- The Climb, Michael Angelo Covino
- City Hall, Frederick Wiseman
- Le Cas Richard Jewell, Clint Eastwood

La sélection de Duane Grange
- Séjour dans les Monts Fuchun, Gu Xiaogang
- Uncut Gems, Ben et Josh Safdie
- First Love, le dernier Yakuza, Takashi Miike
- The Great Pretender, créé par Hiro Kaburagi (Netflix)

La sélection de Samuel Clack
- La Femme des steppes, le Flic et l’Œuf, Wang Quan’an
- Eva en août, Jonas Trueba
- Tommaso, Abel Ferrara
- Le Cas Richard Jewell, Clint Eastwood
- Hotel by the River, Hong Sang-soo
- Uncut Gems, Josh et Ben Safdie

La sélection de Thomas Rigours
- The King of Staten Island, Judd Apatow
- Hotel by the River / La femme qui s’est enfuie, Hong Sang Soo
- Séjour dans les monts Fuchun, Gu Xiaogang
- Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, Emmanuel Mouret
- Je veux juste en finir, Charlie Kaufman
- Days, Tsai Min Liang
- Uncut Gems, frères Safdie
- La Llorona, Jayro Bustamente
- Eva en août, Jonas Trueba
- Wet Season, Anthony Chen
Quelques films bonus…
- Felicità, Bruno Merle
- The Vigil, Keith Thomas
- Adolescentes, Sébastien Lifshitz
- Antoinette dans les Cévennes, Caroline Vignal
- Invisible Man, Leigh Whannell
- The Climb, Michael Angelo Covino
- Never Rarely Sometimes Always, Eliza Hittman
- Play, Anthony Marciano
- Tommaso, Abel Ferrara
- Abou Leila, Amin Sidi-Boumedine
