Critique de Red 11 (Cannes 2019, Quinzaine des réalisateurs), de Robert Rodriguez
Pour tous les cinégeeks cannois, un seul film aura su satisfaire leurs pulsions cinéphagiques, avides de série b en tout genre. Robert Rodiguez offre une purge dans son inattendu Red 11, patchwork invraisemblable de toute sa cinéphilie et de son propre univers filmique, au service d’une comédie-horrifique rocambolesque. Aucune prétention dans cette dernière production du Tarantino prolétaire, qui prouve qu’avec 7 000 dollars (même budget que sa première oeuvre), de bons amis et pas mal de folie créatrice, on peut faire un meilleur film d’action que les plus grosses productions hollywoodiennes. Après son Alita : Battle Angel sorti cette année, blockbuster produit par James Cameron avec 170 millions de dollars, le cinéaste ressort ses joujoux d’antan, ses gadgets et trucages de ses premiers films. On retrouve sa trilogie Desperado, Une nuit en enfer, Machete, et un tas de références pop, jusqu’à se téléporter dans le bureau du cinéaste lui-même.
Le film fonctionne grâce à la sincérité du réalisateur, simplement désireux de relater le propre vécu de sa jeunesse, au-travers de son regard altéré par le cinéma. L’histoire suit donc l’aventure de Rob, apprenti cinéaste endetté de 7000 dollars (tiens donc !) auprès d’un cartel mexicain. Il va accepter d’être cobaye dans une entreprise pharmaceutique. Rapidement tout se dérègle. L’intertextualité, le brouillage du quatrième mur, le trop-plein de codes génériques, seront au service d’un délire adolescent cathartique. L’excès des formes combine sérieux et loufoque, sans jamais se nier, donnant naissance à un objet visuel hybride, faussement raté. La photographie se détériore, l’étalonnage n’est jamais le même, la musique devient intradiégétique, les ficelles narratives sont appuyées, l’intrigue est déjà racontée avec son déroulé… Il faut sans doute être fan de Rodriguez pour apprécier ce film, ou du moins accepter le non-sens et l’absurde d’un conflit générique : survival, zombies, horreur, romance, comédie… Au final il se dégage une réelle sympathie pour le cinéaste dont le film sera certainement peu diffusé, et ne fera le bonheur que d’une niche d’initiés.
Alerte Spoiler ! N’allez pas voir ce film si vous n’avez jamais vu Sixième sens, Fight Club, Shutter Island, Usual Suspects et autre cultes connus pour leur plot twist de fin…
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