Atlantique : Dans le blanc des yeux

Critique de Atlantique (2019, Compétition Sélection Officielle) de Mati Diop

Bien souvent, la cime des arbres s’esquisse dans leurs racines. Les souvenirs annoncent les présages. Tout est écrit et rien ne saurait arrêter l’histoire, voici ce qu’annonce la chute irrémédiable de l’astre solaire dans Atlantique, le premier long-métrage de la réalisatrice Mati Diop. Dans un Sénégal en course effrénée avec l’obsolescence d’un système gangrené par la corruption et le libéralisme, une jeune femme, Ada, refuse un mariage intéressé avec le riche Omar pour sa romance fougueuse avec Souleiman, un ouvrier. Celui-ci part en pirogue avec ses camarades sans un mot d’adieu pour rejoindre l’Espagne dans l’espoir d’une vie meilleure. L’embarcation n’arrivera jamais à destination. Pourtant, un lien plus fort que la mort unit les victimes de l’océan aux âmes endeuillées du pays. À la nuit tombée, la colère vengeresse des travailleurs s’incarne dans une armée de femmes esseulées qui deviennent les noctambules révolutionnaires du pays. La frontière entre vie et mort s’amincit tandis que le brasier de leurs représailles consume les mensonges d’un patronat frauduleux. En accord avec cette résurrection nocturne, le grain dote l’image de son voile spectral. Si le discours cru de cette funèbre idylle pourrait largement gagner en finesse, la façon dont le mystique se fait l’arme esthétique d’une révolution peut trouver un écho dans le grandiose Burning, de Lee Chang Dong, projeté à Cannes l’année précédente. C’est bien simple, en 2019, sous la clarté lunaire, même les zombies crient « rends l’argent »!

Un commentaire Ajouter un commentaire

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s