CAILLOU de Gisèle Pape : chansons sophistiquées et esthétique électronique

Critique de l’album CAILLOU (29 janvier 2021) de Gisèle Pape

CAILLOU, le premier album de l’auteure-compositrice-interprète Gisèle Pape, sorti en tout début d’année, est affaibli par ce qui semble un atout mais qui en réalité peut avoir des conséquences malheureuses sur l’expérience d’écoute : son titre d’ouverture, “Le Chant des pistes”, tout en tension et en urgence, est à la fois puissant, glaçant et étrangement accrocheur. Après une chanson aussi prometteuse, le rythme lent, souvent contemplatif et exigeant du disque est susceptible de provoquer une relative déception chez les auditeurs impatients que nous avons tendance à être, dans une époque saturée chaque semaine de nouvelles sorties. Il y a pourtant une véritable recherche, esthétique comme existentielle, au cœur de CAILLOU, qui vaut la peine de lui accorder du temps et de l’attention.

D’ailleurs, le mélange de rapport tangible aux éléments et de tournures poétiques ambigües chantées délicatement sur des textures électroniques actuelles, qui séduit sur “Le Chant des Pistes”, se retrouve bel et bien plus loin dans le disque. On peut penser par exemple aux rythmiques insistantes des “Nageuses”, où le propos se fait plus ouvertement amer sur une certaine condition humaine obsédée par les fulgurances de la performance et de la réussite sociale au détriment des affects et des émotions. L’inquiétude lancinante de “Peau fine” s’inscrit également dans cette continuité, les synthés menaçants ajoutant à l’atmosphère énigmatique de cette évocation voilée de tourments intérieurs incontrôlables.

Gisèle Pape montre également une détermination à tisser des liens entre une chanson française plus acoustique – sur “Luciole” ou sur le morceau de clôture “À l’heure où la lumière dort” – et son style expérimental et abstrait. “Soleil blanc” et “Serpent lune” témoignent notamment de ce statut à part, où les trouvailles mélodiques se mêlent à la construction d’univers sonores subtils et précis. Il est parfois difficile de savoir à l’écoute où Pape veut en venir, la sophistication de ses mots et des chansons qu’elle en tire l’éloignant de la possibilité d’être émotionnellement directe. Cependant, nous ne nous trouvons ici qu’au début du parcours musical de l’artiste – elle n’avait sorti auparavant qu’un EP, Oiseau, en 2016 – et il est probable que sa vision s’affine avec, on peut l’espérer, à la fois plus de radicalité esthétique et de clarté dans le propos.

L’album est disponible en écoute libre et à la vente en édition numérique et physique sur la page Bandcamp de l’artiste.

Crédits illustration : Finalistes / Paule et Paule

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