Spinning Out : le cliché renouvelé (mais pas pour une deuxième saison)

Critique de la saison 1 de Spinning Out, Samantha Stratton, 2020

Est-ce que c’est une série sur deux jeunes qui ne se détestent qu’en apparence ? Oui. Est-ce que ça parle d’une sportive de haut niveau qui a subi un trauma dans un sport dangereux et essaie de s’en remettre ? Oui. Est-ce qu’elle va avoir le meilleur coach possible et réussir ? Oui. Mais, heureusement, la série créée par Samantha Stratton ne s’arrête pas là et propose de nouvelles thématiques sociales qui sous-tendent, et portent, cette première (et dernière) saison.

La femme qui murmurait à l’oreille des patins à glace

Il y en avait pour tous les sports, il en fallait une nouvelle sur le patinage artistique. Soit. Netflix a commandé cette série, produite par Safehouse Pictures, sur une famille de patineuses artistiques, perdues dans l’Idaho, dont les deux filles veulent atteindre les Jeux Olympiques. La plus âgée, Kat Baker est incarnée par Kaya Scodelario (Skins, 2007-2013 ; saga Le Labyrinthe, 2014-2018). C’est elle qui a subi le trauma sportif, elle s’est ouvert le crâne en tombant sur la glace. Sa petite sœur, Serena, jouée par Willow Shields (saga Hunger Games, 2012-2015), patine également et devient la nouvelle préférée de leur mère Carol, que joue January Jones (Mad Men, 2007-2015). L’intrigue s’enroule autour du couple que Kat va former avec Justin Davis (Arrow, 2017-2019), patineur et séducteur à temps partiel. Le reste, vous le connaissez : ils se détestent, ils s’aiment, ils se détestent, ils s’aiment, ils patinent, ils gagnent, ils patinent, ils perdent, ils patinent, et suspens. Oui, les moments de patinage sont beaux. Oui, le trauma et ses conséquences sont bien portés à l’écran, mais jusque-là, cela avait déjà été maintes et maintes fois fait. Heureusement, des thématiques sociales assez peu vues et un regard neuf vont permettre à la série de se démarquer des centaines d’autres identiques. 

Les troubles mentaux : la bipolarité

Comme l’affiche le laissait assez subtilement prévoir avec le titre barré, le double visage de la patineuse et la mention « On Thin Ice », la série ne s’arrête pas à ses considérations premières. Kat, comme sa mère, est atteinte d’un trouble bipolaire, maladie marquée par une alternance entre phases de dépression et de manies, lorsqu’elle n’est pas traitée. Cela apporte immédiatement une profondeur bienvenue à la série : les gens qui, comme moi, s’attendaient à une énième histoire d’amour avec vaguement un sport en toile de fond, ne l’ont pas vu venir. Sans pour autant dire que cela en fait une grande réussite, cette nouvelle perspective la rend immédiatement moins banale. On suit alors les difficultés de la mère, Carol Baker, à maintenir son traitement, et les conséquences que cela peut avoir sur ses filles (entraînement au milieu de la nuit, blessures etc.).

Carol Baker, la mère de Kat et Serena, atteinte elle aussi de bipolarité

De l’autre côté, Kat Baker semble avoir le contrôle sur sa maladie, jusqu’à ce que, inévitablement, elle le perde, inévitablement. L’intérêt de cette représentation des maladies mentales, au-delà du simple fait même de les représenter, est que le trouble bipolaire ne devient pas le cœur de la série, mais l’accompagne, comme le font finalement les maladies mentales. Samantha Stratton a expliqué vouloir montrer comment l’on vit avec ces maladies, avec les hauts et les bas que cela comporte, et non pas en faire cet instrument à la deus ex machina, qui vient justifier et expliquer à tout va les actions des personnages. Cela se sent, et s’apprécie. Kaya Scodelario parvient à jouer ce trouble, dans toutes ses nuances : l’état apathique pendant le traitement, les phases de manie qui la conduisent à organiser une soirée dans une chambre d’hôtel en plein milieu de l’après-midi avec des gens qu’elle vient de rencontrer. On pourra cependant regretter que la deuxième phase de la maladie, la phase dépressive, est moins portée à l’écran.

Kat dans une phase dépressive. Cette scène dans la baignoire n’est pas sans rappeler un épisode semblable de Skins, série dans laquelle Kaya Scodelario incarnait déjà un personnage souffrant de dépression psychotique.

Dépasser les personnages clichés

À plusieurs reprises, la série fait mine de s’engager dans le chemin périlleux du cliché et s’y refuse à chaque fois. L’exemple le plus marquant ? La belle-mère, Mandy Davis, que joue Sarah Wright. Elle est belle, elle est jeune, elle est blonde. Elle a tout pour incarner le parfait exemple de la nouvelle épouse du père de famille, pimbêche, pas vraiment amoureuse, qui n’en a qu’après son argent, etc. Des années de séries clichées et de stéréotypes de genre nous ont appris à attendre ça. C’est alors un changement plus qu’agréable que de voir enfin une femme forte, « bien dans ses pompes » comme on dit, qui n’a pas peur de s’affirmer face à ses beaux-enfants, face à son mari, qu’elle aime véritablement, mais pour qui elle ne se rabaisse pas. Ce personnage rafraîchissant a su trouver ses fans en renouvelant un vieux cliché qu’il était temps de faire taire. 

Les personnages secondaires ne sont pas en reste. Marcus (Mitchell Edwards), qui se sait à l’écart dans cette région, très blanche, d’Idaho, est confronté au racisme lors d’une arnaque organisée par une boomer, tout en se souvenant comment lui et ses parents avaient été victimes de la discrimination et du racisme des policiers américains. Jenn (Amanda Zhou), la meilleure amie de Kat, possède son propre arc autour d’une blessure à la hanche qui l’handicape, sans la freiner, et un rapport compliqué à sa famille qu’elle ne veut pas décevoir, tout en étant le défouloir de Kat lorsque celle-ci perd le contrôle. Cependant, malgré leur développement un peu plus intéressant que dans les séries du même genre, ils ne parviennent pas à dépasser ce rôle de « personnage-fiction », assez typiques des productions de la plateforme, présents uniquement pour faire avancer l’intrigue. Cela est plus réussi cependant avec la coach russe, Dasha, ancienne patineuse olympique. Elle ne correspond pas au lunatique entraîneur, qui refuse d’entraîner le personnage traumatisé sous prétexte qu’il n’a pas la « flamme ». Elle est pleine d’entrain, et a son propre passé troublé qui la hante, de nouveau un pas vers une modernité que l’on n’attendait plus. 

Cette série, loin d’être parfaite, a le mérite de traiter d’une société actuelle, variée, pas toujours très belle. Moderne, sans en faire trop, elle reste malgré tout divertissante, ce qui est peut-être l’un des buts premiers du cinéma, ou en tout cas, le but premier de Netflix. Spinning Out s’inscrit dans la lignée de toutes les séries de la plateforme, mais ses quelques caractéristiques atypiques la font se distinguer en proposant une forme de méta-critique de son propre écosystème. Cependant, cela n’a visiblement pas suffi pour convaincre et lui offrir une deuxième saison.

Crédits : Netflix

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