Hommage à Christophe : Le temps de vivre

Hommage au chanteur Christophe (1945-2020)

Christophe n’était pas vraiment chanteur, ni vraiment rockeur, ni même tout à fait musicien au sens académique. Christophe était un amoureux du son. Et son amour passionné, il me l’a grandement transmis, comme à tant d’autres. Sur six décennies, il a parcouru en profondeur les possibles du son : ses variations, ses timbres, ses rythmes… En touche à tout, il traverse le blues, le rock, l’électro, il gratte ses diverses guitares, il pianote, il expérimente sur ses synthés et ses machines… et puis surtout, il use de sa voix, son premier instrument, qu’il n’aura cessé de moduler, de trafiquer, d’en tester les limites. Christophe est décédé le 16 avril 2020. Il laisse en deuil les mélomanes français, mais son départ n’est pas celui de son œuvre. En tant que grand fan de cet artiste iconoclaste, dont chaque album comme chaque interview (cf. A voix nue : Christophe, le miraculeux attrapeur de sons, entretiens donnés à France Culture) révèlent quelque peu une part de son mystère, je propose de revenir en sept petits chapitres sur la vie de Christophe, l’autodidacte, la voix-synthé.

1965-1972 : Blues, Yéyé et marginalité

Christophe est d’abord un explorateur de synesthésie. Il cherche le style, le bon goût, le sensitif, l’art dans toutes ses variantes possibles. Il écoute Brassens abondamment, puis découvre le blues américain (celui de John Lee Hooker). Très vite il arrive au cinéma, et sa cinéphilie n’aura jamais cessé de traverser son art. Malgré sa participation minime à des bandes originales (la dernière étant celle de Jeanne de Bruno Dumont en 2019), ses musiques produisent des couleurs et du mouvement. En un sens, il est un « cinéaste sans image » (titre de l’interview donnée aux Cahiers du Cinéma en septembre 2019). Dès ses débuts dans les années 1960, il ne se qualifie pas comme un chanteur. Il aime les instruments, et joue notamment du blues à la guitare, mais il adore aussi la mode et crée ses propres vêtements, il aime les voitures qu’il accumule. La collection est sa véritable passion. Christophe le collectionneur ! Il collecte toute sa vie les vieux pianos, les 78 tours (ceux d’Elvis et d’Eddy Cochran), les juke-boxes, les motos, les pellicules de film (au point d’en faire profiter la Cinémathèque française !)… De la même manière il va amasser les sons, et c’est finalement cela qui, presque par hasard, deviendra son métier. Il ne compose pas, il fouine comme un acharné, et trouve l’introuvable, le sublime, tel un chercheur d’or solitaire.

Je vois tout, j’entends tout, mais je ne dis jamais rien…

« La Petite Fille du troisième »

Dans cette première partie de carrière il enchaîne les singles en 45 tours, beaucoup de tubes naissent, avec le plus connu « Aline », évolution d’un blues devenu ballade. Participant malgré lui au mouvement Yéyé, Christophe côtoie les chanteurs et chanteuses de son temps. Et pourtant tout son style à venir est présent en puissance. Ses sonorités si singulières et sa manière de composer se perçoivent dans de nombreuses chansons où les modulations vocales se mêlent aux solos de guitare, aux arrangements perfectionnés et rythmes déconstruits. L’art de Christophe se fait déjà entendre, celui d’une musique qui ose, qui cherche l’inattendu, le non-consensuel.

Deux albums vont naître en 1966 puis 1972, ainsi qu’un album de ses reprises en italien entre-temps. On retrouve entre autres : « La Petite Fille du troisième », « L’Épouvantail », « Cette vie-là », « Mal », « Mère tu es la seule », « Les Marionnettes »,  « Je vous salue madame », « Les jours où rien ne va », « Oh ! Mon amour »… On sent son goût du blues, des ballades, de la poésie, ainsi que ses aspirations aux sonorités anglo-saxonnes, à la soul, à la pop et au rock.

1973-1975 : Le beau virage

J’essaie de me rappeler encore une fois les accords de

Ce Rock sophistiqué

Qui étonnait même les anglais

« Les Paradis perdus »

Sa carrière d’artiste accompli décolle vraiment avec son album Les Paradis Perdus (1973). Christophe se marginalise définitivement. Désormais il s’entoure uniquement des meilleurs musiciens, et se montrera de moins en moins. Cet oiseau de nuit travaille quand le reste du monde dort. Progressivement entouré de nombreux synthés, son univers côtoie rapidement ceux de Pink Floyd, Bowie, et toute la vague anglaise de pop rock et rock progressif. Ce retournement définitif est permis grâce à sa collaboration avec Jean-Michel Jarre, alors parolier du compositeur Christophe. Ce premier album aura marqué l’histoire du rock en France, s’ouvrant par un titre – « Avec l’expression de mes sentiments distingués » – qui annonce les nouvelles couleurs, sorte de patchwork auditif mêlant ses premiers singles dans un écho répété tel un disque enrayé. Puis ce sont des titres résolument rock (« Mama », « Mickey »), de la pop mélancolique bercée par les riffs de guitare et les nappes de synthé (« Le Temps de vivre », « Emporte-moi »), mais c’est surtout le titre ultime de Christophe, servant presque de manifeste à toute sa musique : « Les Paradis perdus ». Celui-ci, en revenant avec tristesse sur les premières amours du chanteur, expose sa volonté de se servir de ses inspirations pour faire naître une musique résolument moderne. Dans une progression en crescendo, le morceau passe de minimalisme à une ultime explosion rock.

Puis arrive rapidement la seconde collaboration avec Jean-Michel Jarre parolier, Les Mots bleus (1974), un album qui se teinte d’une similitude à Elton John, avec en ouverture le long titre « Le Dernier des Bevilacqua », dont les tendres mélodies au piano sont rapidement surplombées de fiévreux accords de guitare (à l’instar de l’ouverture de Goodbye Yellow Brick Road, 1973). Cet album est peut-être trop de son temps pour que le public ne retienne autre chose que le magnifique « Les Mots bleus » et ses longs cris de synthé répétés en un écho puissant. Et pourtant on parcourt les sonorités propres aux années 1970, celles du glam rock de « La Mélodie », de la pop baroque de « Señorita », le hard rock de « C’est la question », et le presque post-punk de « Le Petit Gars » dont les basses en boucles m’hypnotisent encore.

Boucles, boîtes à rythme, synthés, démultiplication des instruments… Tout cela donne vie à l’univers de Christophe. Et ces deux albums prennent vie le temps d’un live, celui à l’Olympia en 1975, dernier concert donné avant une concentration unique sur le studio jusqu’en 2002. Si la qualité de sa captation n’est pas toujours au rendez-vous, on découvre un Christophe inattendu, celui amoureux des prestations anglaises, qui, le temps d’un « Emporte-moi » de 14 minutes, n’a rien à envier aux Pink Floyd. « Je suis mort, je revis ». En effet il revit, faisant oublier son image de chanteur de variété-kitsch en un levé de piano, dans un trip psychédélique, une musique minimaliste proche de l’ambient-électronique préfigurant le travail de Jean-Michel Jarre (dont le premier album Oxygène sortira en 1976).

1976-1980 : Le rockeur bizarre

I sing for Elton John

I sing for Bowie

I sing for the Beatles

I sing for me

« Tant pis si j’en oublie »

Si paradoxalement ses succès se feront de moins en moins nombreux, jusqu’à un certain oubli collectif, les albums qui suivent sont peut-être ses plus ambitieux, et son travail se perfectionne davantage progressant vers de nouveaux horizons pleinement de leurs temps. Il y a d’abord La Dolce Vita en 1977, étrange mélange entre compilation de morceaux un peu à part, des réenregistrements de tubes en italien, et quelques inédits notamment le single éponyme et « Daisy ». Un album mixte, résolument rock voire punk, un best-of pour ceux qui n’aiment pas son image de chanteur yéyé, préférant son côté loubard. « Le Macadam » est très proche du post-punk naissant, notamment le groupe Suicide avec lequel Christophe aura une forte amitié. Dans « Une autre vie » il annonce « je veux jouer du rock… ne me retiens pas, je suis comme ça », en écho à « La Bête » où il déplore « je ne chante plus jamais ce qui me plaît », affirmation d’une volonté de chanter autre chose que ce à quoi on le rattache, tout en affirmant « je suis un chanteur ».

C’est alors que se succèdent trois albums singuliers et obscurs, oubliés et pourtant parmi ce que Christophe a fait de plus intime et de plus subtil. Chacun a son identité, ses sons propres, et des musiciens talentueux sachant retranscrire avec brio les lubies d’un artiste toujours plus désireux de nouveaux sons. Il y a d’abord Samouraï (1976), toujours dans la lignée de Pink Floyd et Elton John, avec un écart impensable vers le rock symphonique, celui de « Pour que demain ta vie soit moins moche » et ses 12 minutes dans lesquelles la voix de Christophe disparait derrière des nappes instrumentales. Pour cet album il change de parolier et prend Boris Bergman, célèbre pour sa collaboration avec Alain Bashung, ce grand ami (et ancien colloc’) de Christophe. Les titres sont magiques, parmi ce qu’il a fait de mieux, tels « Tant pis si j’en oublie », nouvelle déclaration d’amour à la musique anglo-saxonne, « Merci John d’être venu », dédié à l’un de ses groupes favoris les Beatles, et un explosif « Samouraï » en ouverture.

Après le progressif, Christophe retourne au glam rock et à l’expérimental dans Le Beau Bizarre (1978), album idolâtré par la critique pour ses trouvailles sonores et la singularité de ses compositions, le rapprochant définitivement d’un David Bowie, toujours à la recherche de nouvelle choses. « Le beau bizarre » c’est lui et son univers, cette manière de toujours surprendre, innover, choquer grâce à des sons encore inespérés. L’album est très court mais rien n’est à jeter, tout est à écouter des dizaines de fois, tellement cela nous surprend dans cette pop expérimentale inédite en France. Chaque titre se retient : les chœurs de « Un peu menteur », les pianos électriques de « Histoire de vous plaire », le saxophone de « Le Beau Bizarre », et les nombreux solos de guitare.

La tonalité rock s’affirme définitivement dans son album le plus explosif Pas vu pas pris (1980). Réalisé avec l’aide de son beau-frère le chanteur punk et déjanté Alain Kan, cet opus est un appel à la survivance du glam, celui de Roxy Music, T-Rex et Alice Cooper, un rock voué au changement pour ne pas mourir. Encore une fois, même dans un album qui pourrait paraître mineur, Christophe s’active pour chercher ce qui fonctionne, ce qui anime, ce qui dynamite. C’est un album définitivement rock comme en témoigne le titre « Méchamment rock’n’roll », accompagné d’autres chansons à la saturation de guitare et au chant beaucoup plus furieux.

1981-1996 : de Christophe à Bevilacqua

Juke Boy Bonner, c’est du bonheur dans mon juke-box

Carolina Slim, si vous avez, moi j’suis preneur

Lonesome Sundown, soleil tournant sur Excello Excello

Silas Hogan, Billy Brizor, Lowell Fulson

Robert Pete Williams préfère ferrailleur dans le Missouri

J’me suis fait baiser par l’art marqueur de labels obscurs

Alors je cherche toujours Meteor, Sun…

« Label Obscur »

Les années 1980 sont une période d’effacement du chanteur. Il continue les expérimentations dans son coin, exigeant une retrouvaille avec lui-même pour de nouveaux sons, donnant lieu à quelques singles bien électro, new wave, et rock industriel. On découvre alors les titres « Cœur défiguré », « Voix sans issue », « Minuit Boul’vard », « Clichés » (toujours avec son ami Alain Kan), « J’lai pas touché », et sa composition de « Boule de flipper » pour Corynne Charby.

Christophe s’essaye à la musique bruitiste, expérimentale, tout en favorisant un retour aux fondamentaux du blues. Confus, il refuse de faire un nouvel album. C’est un Christophe véritablement marginalisé, dans laquelle il renoue avec les artistes qu’il aime, Lou Reed, Nina Hagen, Alan Vega, Nick Cave… Après un album de reprises à tendance jazz, Clichés d’amour en 1983, qui sans être raté est sans intérêt, Christophe disparaît, pour renaître.

En 1996, Christophe n’est plus Christophe, mais s’affirme définitivement comme « Le dernier des Bevilacqua » dans son album Bevilacqua. Un album très personnel et solitaire, où il a fait presque tout, paroles comme instrus. C’est un long voyage électronique de près d’une heure, la découverte d’une nouvelle voix, de nouvelles sonorités, d’un langage plus libéré. Il se détache de l’impératif de la narration du texte, il s’affranchit pour privilégier ce qui l’a toujours intéressé : le son des mots dans un « yup » improvisé (langage musical revendiqué par Christophe), et la texture de la voix, entremêlée aux bruits des appareils et des instruments. C’est un album dans son temps, proche de 1. Outside (1995) de Bowie et de la French Touch naissante. Pur album de techno et house, aux sonorités blues, exotiques, et profondément urbaines, la mécanique du son tourne en rond, tel le « tourne-cœur ». Ce sont des boîtes à rythmes, des samples, et des boucles, sur lesquels s’ajoutent des échos et des bouts de voix tronqués, des solos de sax coupés, une guitare sèche anachronique sur tant d’artifice. Pourtant l’artificialité et le numérique ne font jamais tort à la véritable présence du compositeur Christophe pour qui rien n’est plus important que la matière musicale. Il recherche une étendue de timbre, un diaphragme de nouveaux sons. Sa musique est définitivement celle de la découverte, du touche-à-tout pour faire ressortir ce qu’il y a de plus poétique et de novateur dans ces résonances si recherchées, si travaillées, si conviées par l’autodidacte acharné.

2001-2008 : les majestueux panoramas

Elle veut l’amour pur et sans faille

Dans le profond des horizons lointains

Mordre au citron de l’idéal

Elle veut le début sans la fin

« La Man »

Arrivent les années 2000 et le grand retour critique et populaire pour Christophe. Il s’active, se remet d’autant plus au travail et produit deux albums importants, peut-être ses plus poétiques et ses plus travaillés. C’est d’abord Comm’si la terre penchait en 2001, album à la douce électronique, avec une voix lentement posée sur de belles atmosphères sonores. Les mots sont plein de voluptés, les accords délicatement amenés, et les boucles se répètent dans un léger épuisement laissant parfois place à de beaux silences, parfois à des résonances profondes, et lentement un solo de guitare, un riff de basse, quelques notes de piano. Cet album offre des chansons magnifiques, comme des caresses et de gracieuses affections. Il y a les simples mots « Elle dit, elle dit, elle dit », répétés à l’infini, le magnifique texte de « La Man », le sublime spleen de « J’aime l’ennui », et l’absurdité de « Nuage d’or » faisant oublier le monde sur une tonalité trip-hop exaltante.

Cet album donnera lieu à une tournée et à un live enregistré et filmé, le Live Olympia 2002, récompensé aux Victoires de la Musique. C’est un retour sur scène exemplaire après des décennies d’absence. Accompagné de nombreux musiciens, il parcourt toute sa carrière en la réinventant. Il imagine des effets scéniques oniriques. Entre chanson et cinéma, on parcourt une certaine histoire de la musique. Le son de Christophe évolue constamment, de même que ses titres. Il n’aura jamais cessé de les retravailler, et les réinterpréter sous de nouveaux jours, sous de nouvelles envies.

Puis vient ce que je considère comme son chef-d’œuvre Aimer ce que nous sommes (2008). A la fois son album le plus expérimental, il est aussi le plus abouti et le plus personnel. Accompagné de l’orchestre symphonique de Londres, et aidé du guitariste Christophe Van Huffel, leader du groupe de rock Tanger, Christophe construit une sorte d’album-concept, tel un long film de 1h30, faisant passer d’image en image, de portrait en portrait, et variant sans cesse les atmosphères et les degrés d’intensité. Il y a la marche nocturne de « Panorama de Berlin », la déconstruction brutale de la parole de « Interview de… », l’agressivité électrique de « Stand 14 », la douceur de « Magda », la poésie de « Parle-lui de moi », et tant d’autres tonalités, tantôt suaves, tantôt harmonieuses, tantôt déréglées, toujours livrées avec profondeur et sincérité.

2013-2020 : Définitivement de nouveaux horizons

En 2013, Christophe proposait un drôle d’objet sonore Paradis Retrouvé (élu 8ème meilleur album des années 2010 par notre rédaction). Compilation de sons d’outre-tombe, c’est une série de travaux inachevés, des « presque-musiques », ce qui aurait pu être des tubes, ce qui a été oublié pendant 4 décennies, et qui ressort aujourd’hui tout en paraissant avoir été composé hier.

L’identité résolument électro et moderne des titres, pourtant composés dans les années 1970-80, ces maquettes jamais dévoilées et condensées dans une sorte d’album bizarre, de pas vraiment album, résume tout le génie de Christophe chercheur de son. Ce « Paradis retrouvé » annonce les nouveaux horizons de l’artiste, toujours plus entouré de synthés et de nouveaux instruments, et qui s’apprête à livrer un album encore radicalement différent des précédents.

Ainsi en 2016 sort Les Vestiges du chaos, un album introspectif sur ses idoles, sur ce qui l’inspire, mais avec des sonorités nouvelles, parfois très dansantes (« Tangerine »), souvent contemplatives (« Dangereuse »), et avec des arrangements subtils (« Lou »), des sons extraterrestres (« Les Vestiges du chaos »), de la fragilité (« Tu te moques »), et une voix modulée et modifiée à l’extrême (« Drone »). C’est un ensemble audacieux et aérien. Tant de complexité pour une cohérence qui emporte nécessairement vers un paysage auditif inconnu ailleurs. L’album s’ouvre par « Définitivement », affichant d’entrée ses projets pleins de vie et de créativité.

Je vous propose

D’ouvrir des choses

Des choses avec moi

Sur de nouvelles voies

Définitivement comme je m’ennuie

Définitivement je suis vivant

« Définitivement »

L’intime

L’album Intime (2014) est une belle captation de concert de Christophe en solo avec son piano, un harmonica et quelques guitares. Dans les années 2010, en parallèle de ses nouvelles découvertes sonores, il se détache progressivement des superflus et se retrouve seul face à son public, face à ses fans qui l’ont toujours aimé, face à ses instruments qu’il n’a jamais quittés. Cet album de captation donne le visage du chanteur de ses dernières années, celui de loup solitaire insomniaque, somnambule, et nyctalope.

En 2019 sont sortis les deux volumes de Christophe etc., deux albums réalisés avec ses amis qui l’accompagnent sur des reprises de 21 de ses tubes sur cinq décennies. Mais là encore il ne se contente pas d’un effet marketing de simples reprises de standards. Il puise dans des chansons parfois oubliées, parfois pas évaluées à leur juste valeur, et il les réarrange, les réinterprète différemment. Christophe c’est l’instabilité, car seule celle-ci permet la remise en cause, l’improvisation, et la volonté de pousser toujours plus loin ce désir de découverte. Avant de mourir, il était en train de faire un nouvel album, avec encore de nouveaux sons inédits, des choses que lui-même ne pouvait vraiment décrire, car seuls l’innovation et l’inconnu l’intéressent.

C’est dans un concert intime à Montpellier en octobre dernier, auquel j’avais la chance d’assister, qu’il annonçait son futur album. Il était seul devant ses synthés, pianos et guitares pendant 2h30. Après une heure de setlist préparée à l’avance revenant sur son dernier album et quelques tubes, il s’est posé devant son piano et a joué ce que chacun lui lançait. Alors j’ai crié des titres, et j’ai attendu sa réponse sublime, celle d’une douce voix vieillie et fragile, mais qui ne se repose pas. Celle d’un doigté sensible et maladroit, mas qui par instinct sait trouver les accords qu’il faut pour accompagner un chant si singulier. Je garde le souvenir d’un moment magique, rempli d’une musicalité incomparable. L’impression d’un dialogue, d’une proximité inattendue entre un artiste pas comme les autres et de curieux mélomanes, ceux qui ne souhaitent pas la perfection mais la sincérité. Christophe cherchait à exprimer ce qui se cachait au fond de lui, des envies sans doute inassouvies. Il fallait chercher, chercher, pour parfois atteindre la note et le timbre qu’il faut pour nous illuminer de surprise et de tendresse. Savoir poser les mots, et vibrer pour l’amour de la musique, dans sa diversité, son hétérogénéité, son mélange de savoir, et sa richesse infinie.

2 commentaires Ajouter un commentaire

  1. francefougere dit :

    Bonjour – Bel hommage ! – Arte a diffusé une très belle soirée – en harmonie bleue – depuis la villa Médicis à Rome
    Amicalement

    J’aime

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