Top non classé des sorties d’octobre, comprenant albums et rééditions. Bonne écoute.
Fame, Lefa
Ouais, j’ai rêvé d’être un monument (ouais) sans passer par les armes et leur maniement (ouais)
Bitch feat Vald
Dieu merci, j’ai pris d’la money, man (chu) : quand t’entends ça, tu veux mon num’, hein ? (ouais, ouais)
Quand t’entends ça, t’es de bonne humeur (ouais) : tu vois, c’est pour ça, j’aime pas l’humain (ouais, ouais)
Cerveau ne tourne pas normalement (nan) tant qu’il n’a pas d’argent dans les mains (ouais, ouais)
Fame est indéniablement le meilleur album de Lefa, plus technique et plus intime, avec des textes toujours autant ciselés et des instrus impeccables. L’artiste s’est désolidarisé de Wati B pour monter son propre label 2L Music et devenir indépendant. Le vétéran plane désormais en solitaire au dessus du rap, méprisant l’avilissement des rapports humains par l’argent et la célébrité. Pour autant, l’ermite a très bien su s’entourer pour confectionner cet album qui compte un total de 5 feats, tous remarquables, dont le merveilleux « Bitch », cosigné avec Vald.
Lien vers l’analyse de l’album.
Ce monde est cruel, Vald
J’vais sauver les miens avant les vôtres, gros, sinon, c’est pas la peine
Journal Perso 2
Mais sauver les siens avant les autres, gros, c’est l’programme des Le Pen
Ouais, populace manipulée, au profit de qui ? Ce n’est pas stipulé
Orphelins violés, désarticulés, les loisirs de la haute sont particuliers
Viens voir la vie qu’on peut pas diffuser, t’sais ? Celle qu’est acidulée
Là où le shit et le SMIC, c’est le max’, au-d’ssus, l’esclave serait moins stimulé
Quand on parle du loup. C’est probablement l’album du mois. Vald a évolué et signe un projet fort et cohérent, plus sombre que jamais. S’il apparaît cru et violent, il ne le sera jamais autant que ce monde qui l’a déterminé. Un sourire en coin mais la larme à l’œil comme le Joker, le rappeur délivre des textes ténébreux et pessimistes sur un fond musical enjoué. L’album est lucide et expose ce déchirement interne, entre l’envie de détruire le système et la léthargie dans laquelle il nous plonge.
Lien vers l’analyse de l’album.
Pleine lune 2, Scylla et Sofiane Pamart
En attendant je crée, en attendant j’écris
Olympia
J’fais danser les poussières de moi dans l’élégance des nuits
Je prépare ma chanson à quand je devrai m’absenter
Qu’elle vive par elle-même quand je n’serai plus là pour la chanter
Je veux qu’elle soit imparfaite, à mon image
J’ai pourtant tenté d’incarner mes convictions
Mais j’veux qu’elle vous rappelle, à chaque fois qu’tout ira mal
Qu’il y avait un homme sur terre qui vous aimait sans condition
On reste avec Sofiane Pamart (au piano dans Journal Perso 2). Scylla et Sofiane, c’est comme l’ananas et la pizza, au début tu crois que le mélange est dégueulasse puis tu finis par accepter en ravalant ta fierté et la dite pizza, que c’est délicieux. La voix caverneuse du rappeur s’était déjà éprouvée sur les douces notes du pianiste dans un premier projet en duo, Pleine Lune. Le tandem revient naturellement avec Pleine Lune 2, encore plus abouti, et traversé par de très belles collaborations, notamment avec Rive et Lonepsi.
FLAG, Fixpen Sill
J’ai plusieurs réminiscences qui me hantent, parties cachées de mon existence
Attila
J’vois Lucifer qui danse, plusieurs univers qui flambent
Les regrets sont persistants, j’ai des vertiges, j’attends sagement que le ciment prenne
La mise en scène semblait divertissante mais j’suis pris dans l’piège là où le silence règne
Besoin d’un éclaircissement, quasi plus d’énergie face aux drames que la vie entraîne
Quelle instru mais quelle instru… Décidément, octobre est un concerto pour piano. Le duo de Fixpen Sill revient avec un troisième album, FLAG, et c’est une vraie bouffée d’air dans l’horizon du rap tant le projet est mélodieux. S’ils soignent leurs textes, Keroué et Vidji s’efforcent de laisser respirer la musique qui se déploie tout au long du morceau pour notre plus grand plaisir.
Puzzle, KIKESA
Oublie-moi, c’est pas la peine, je n’décrocherai pas l’appel
J’suis écorché par ma haine, je suis coaché par la flemme
Eux et nous, c’est pas la même, ils parlent d’oseille dans leurs textes
Ils ont signé leurs contrats dans une combi’ en latex
Viens, on parle après, là, j’ai des trucs à faire, genre
Trouver la paix, j’le ferai jamais en ta présence
Viens, on parle après, là, j’ai des trucs à faire
Comme nettoyer le sang des rageux sur ma paire blanche
La paix
Non, ce n’est pas juste la fusion capillaire de Caballero et JeanJass, faut arrêter avec ça. KIKESA, le nouveau hippie, signe son premier album Puzzle, frais et vitaminé comme un bon jus d’orange. Avec une légèreté et un humour maîtrisés, il apporte un peu de douceur dans ce monde de brutes et trouve le juste milieu entre égotrips bien sales et chansons plus intimes, sur ses angoisses, sa maladie, sa rupture ou l’importance de sa mère…
Amina, Lomepal
Je chante le mal, pourquoi j’me sens fier sous les néons ?
Yusuf
Concert en pyjama, R.I.P l’époque où j’avais honte
2019, j’ai les même lunettes que Léon
Putain, les on-dit m’indiffèrent, j’vais pas faire le caméléon
Il faut qu’je souffre pour faire le single qu’on attend d’moi
Comment tu fais pour écrire si t’es jamais dans l’mal ?
Quelle aubaine, le chant, c’est de l’argent
Toutes mes dettes sont dans la benne
Ça a mal lavé ma peine, j’l’étends à l’étage
Un million d’euros, ça sent bon, ça enlève pas les taches
Hmm, tellement chanceux
J’regarde les gens chanter en chœur mes chansons
Sauf que j’les avais écrites pour les gens seuls
Amina est le nom qu’avait choisi la grand-mère de Lomepal (née Jeannine). C’est ainsi le meilleur choix pour titrer la réédition de l’album Jeannine de 2018. Cette réédition agrémente l’album de 6 nouveaux titres, de plusieurs sessions live et acoustiques (dont une au Zénith) ainsi qu’une version instrumentale.
Dans les nouveautés, on compte le magnifique titre « Yusuf », dont le refrain déchirant suggère que rien n’a changé. Rien de neuf, toujours autant de souffrances, autant de mal et autant de larmes, seulement de nouvelles mélodies pour les mettre en musique. Il ne faut pas s’attendre à une évolution, les nouveaux titres s’inscrivent parfaitement dans l’atmosphère de Jeannine. Et alors ? C’est beau. Très beau (pas trop).