Critique de Godzilla 2, Roi des Monstres (29 Mai 2019) de Michael Dougherty
Des champs pétrolifères. Le désert, des véhicules, des hommes. Texas ? Wyoming ? Peu importe, l’image est évocatrice : désormais, le monde selon Hollywood, c’est les Etats-Unis qui deviennent (une fois de plus) une cible, une surface que les monstres viennent dynamiter. Au grand plaisir des amateurs de pop-corn, tout n’est plus que poussière. Monarch, société secrète et SPA pour titans, cache ces derniers aux yeux du monde. On avait oublié que des créatures de plusieurs centaines de mètres pouvaient disparaître aussi facilement. Mais passons. Comme si cela ne suffisait pas, une hydre extraterrestre, plus imposante et destructrice, réapparaît : Ghidorah, celui qui est innombrable. “Mon nom est Légion, car nous sommes nombreux”, souvenir inévitable du seul démon nommé de la Bible. Ce nouveau monstre, incarnation du Mal, ira jusqu’à en devenir la figure dans un plan l’opposant par la profondeur de champ à une croix chrétienne. Malheureusement pour l’humanité, il n’est pas seul. Rapide état des lieux, le film n’étant pas vide à ce point. Enfin sur nos écrans (en réalité, on s’en fout) la déesse Mothra, le papillon de lumière chanté par Cindy Sander, la beauté incarnée sous les projecteurs. De l’autre côté du ring : Rhodan, né du feu, monstre ailé aux allures de ptérodactyle spielbergien sortant littéralement d’un volcan (on avait oublié Pompéi) vient balayer des villes entières par la grâce de ses ailes produisant des ondes soniques, nous faisant presque regretter l’ère des dynasties pré-colombiennes de laquelle il ressurgit. Godzilla, mâle alpha des titans et meilleur ami de l’homme, va devoir s’extirper de sa grotte sous-marine pour botter le cul de Ghidorah, sinon le monde sera sacrément dans la merde. On rigole, il l’est déjà depuis longtemps. Faisant suite au Godzilla de 2014 et à Kong : Skull Island, Godzilla II : Roi des monstres est le nouveau film du Monster Verse, Marvel Cinematic Universe de Warner Bros. et Legendary Pictures. Des monstres et des hommes. Crise représentative : malgré sa dimension cosmogonique très marquée, ce nouvel opus vient effacer l’humanité des formes filmiques qu’il déploie.
Filmer le monstre, le film pose un problème de représentation au sein d’une industrie qui semble refuser de quitter les routes du gigantisme formel. Le cinéma hollywoodien, depuis le diptyque Infinity War / Endgame, n’a jamais autant affirmé la démesure de ses grosses productions. Dans Godzilla II, le personnage n’est plus un homme, mais un monstre géant. Les corps deviennent spectacle, les films ne sont plus à échelle humaine. L’homme, en somme, n’est plus qu’un figurant parmi d’autres. Pire : les foules en panique sont désormais aperçues à travers des écrans secondaires. Tristesse. On regrette les blockbusters, les vrais, ceux de James Cameron et John McTiernan. Le spectacle a désormais oublié l’humain. Il n’y a pas si longtemps, le corps des robots de Pacific Rim n’était qu’une apparence, contrôlés en leurs coeurs par des êtres humains. Malgré ses défauts évidents, le précédent Godzilla revenait à une représentation du monstre quasiment originelle au blockbuster : celle adoptée par Steven Spielberg dans Les dents de la mer. Comme le requin, la créature, absente la majorité du film, pesait pourtant sur la quasi-totalité des plans. Une aura. Un retour aux anciennes représentations à une époque où les films Marvel commençaient à sortir tous les trois mois. Malin. Quant aux apparitions de la bête, elles étaient filmées depuis le sol en contre-plongée (idée repris partiellement dans ce deuxième opus), les hélicoptères ou les fenêtres d’appartements, finissant par donner accès à un spectacle délirant : un titan s’écrasant au centre d’un stade de baseball. Car c’est bien connu, Godzilla est américain.
C’est à croire que les scénaristes ont oublié la dimension symbolique de la créature. Revenons vers le cinéma d’après-guerre. A l’époque, le monstre était l’expression d’une angoisse socio-politique. Réveillé par la bombe atomique, Godzilla est poussé à se rendre vers les rivages du Japon. C’est avant toute chose une victime du nucléaire humain. Il n’est pas animé par le mal, il est poussé par un instinct naturel qui est celui de fuir un environnement devenu inhabitable pour lui. Aussi, le premier Kaiju est initialement l’expression de l’angoisse nucléaire. Horreur, aujourd’hui il n’est plus qu’une arme de destruction massive. Quelle angoisse de voir un monstre devenir une arme atomique de plusieurs dizaines de mètres pour sauver l’humanité. Et accessoirement, anéantir Boston. Celui qui fuyait le nucléaire en est désormais imprégné, les scientifiques de Monarch n’hésitant pas à le réveiller une seconde fois avec une bombe H placée devant son museau. Le geste sauve le monde, mais le constat est terrifiant : activer une arme atomique devient un acte héroïque. Ne perdons plus de temps, car ce nouveau film ne fait que revendiquer une fascination collective pour la destruction, le spectateur se complaisant à voir les masses reléguées, comme le décor, à l’espace insipide du fond vert.
Crédits : Warner Bros. France
L’humain comme quantité négligeable. Voilà qui en dit long en effet sur ce cinéma de la démesure et qui perd toute notion d’échelle.
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J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers. Au plaisir.
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