Programmation Ciné-Club : 1990’s, la jeunesse dans le cinéma français

« Ciné-Club Good Time » aux Ateliers Mimesis (9, rue Paul Péchoux, Villeurbanne).

Séances les dimanches à 18h, une fois par mois. Entrée à 3 euros + adhésion annuelle à l’association :

  • 23 janvier : La Fracture du myocarde (1990) de Jacques Fansten (tout public, film jeunesse), présenté par Simon Decrouy
  • 27 février : Trop de bonheur (1994) de Cédric Kahn (tout public), présenté par Loïc Feinte
  • 3 avril : Travolta et moi (1994) de Patricia Mazuy (déconseillé aux moins de 12 ans), présenté par Robin Bertrand
  • 24 avril : L’Appât (1995) de Bertrand Tavernier (déconseillé aux moins de 12 ans), présenté par Clément Marguerite
  • 22 mai : Les Apprentis (1995) de Pierre Salvadori (comédie familiale), présenté par Hugo Palazzo

Notre programmation se fait en parallèle de trois autres dans le même lieu où nous serons donc un dimanche sur quatre (sauf exception).

Présentation générale de la programmation

Le temps laisse souvent apparaître comment certaines œuvres annonçaient de façon quasiment prémonitoire les sentiments, les mœurs et les états d’âme des générations futures. A l’heure où la jeunesse se sent désœuvrée, avec une impression de perte de repères et de mélancolie généralisée, ce bond de trente ans en arrière dans les années 1990 nous permet d’exposer la contemporanéité des films qui traitent de cette longue période de transition de notre vie : celle située entre l’enfance et l’âge adulte. Notre programmation de cinq films français expose différents points de vue sur le tiraillement des individus. Collégiens, lycéens, étudiants ou jeunes adultes en quête d’une stabilité professionnelle et existentielle, voici les personnages qui parcourent nos films, qui sont tout autant des hymnes à la vie, des odes à la joie et à l’amitié, que des emphases des affects obscurs qui nous animent, des critiques du système oppressif et capitaliste, mais surtout et enfin de grandes œuvres sur la liberté.

Introduction aux séances

23 janvier : La Fracture du myocarde (1990) de Jacques Fansten, présenté par Simon Dec

La Fracture du myocarde est un film de choix pour amorcer cette programmation. Les fringues chamarrées de la fin des eighties habillent une bande de copains, au début du collège, qui fera tout pour sauver l’un des leurs des orphelinats de la DASS, sa mère récemment morte d’une fracture du myocarde. Tourné dans un collège dont les élèves occupent les rôles secondaires, ce chaleureux film ramène à la tranquillité du cinéma français, généreux d’une émotivité larmoyante et intelligemment transmise. Bien qu’il n’avait que la prétention d’un téléfilm, le film de Jacques Fansten attira le regard de Spielberg qui en racheta les droits pour un projet qui ne verra finalement pas le jour.

La Fracture du myocarde de Jacques Fansten [Diaphana Films]

27 février: Trop de bonheur (1994) de Cédric Kahn, présenté par Loïc Feinte

Trop de bonheur est une rareté et en même temps un bonheur de cinéphile, porté par une énergie et une spontanéité singulières, dont l’héritage manque cruellement aujourd’hui au cinéma français. Le deuxième film de Cédric Kahn s’inscrit dans le sillage de Maurice Pialat – on retrouve d’ailleurs Yann Dedet au montage – en reprenant ce vitalisme des émotions, nous indiquant « la direction de la sortie à ceux qui oublierait que la vraie vie est ailleurs » (Serge Daney). Le film retrace une journée et une soirée de quatre adolescents dans le Sud de la France, bloc d’espace-temps qui préserve « la continuité émotionnelle : le travail consiste à trouver et à suivre la pulsion essentielle de la vie » (Yann Dedet, Le Spectateur zéro). Cela n’empêche pas au film de creuser en son sein, une mélancolie douce et un avenir impossible : l’horizon d’une société française gangrenée par son héritage colonialiste, et un déterminisme de classe venant refermer cette parenthèse solaire. Il faudra attendre Mektoub My Love de Kechiche en 2018, retraçant l’été d’une jeunesse des années 90, pour entendre de nouveau la musique entêtante du groupe Raina Rai qui accompagne l’ouverture magistrale du film de Cédric Kahn.

Trop de bonheur de Cédric Kahn [Ciné Classic]

3 avril : Travolta et moi (1994) de Patricia Mazuy, présenté par Robin Bertrand

Téléfilm méconnu extrait de la programmation de la chaîne Arte « Tous les garçons et les filles de leur âge », Travolta et moi expose toute l’énergie et la force du cinéma, également trop méconnu, de Patricia Mazuy. Héritière de la violence et de la noirceur du cinéma américain moderne, notamment de Peckinpah et Scorsese, Mazuy transpose cette esthétique dans le cadre très banal de la journée et de la soirée d’une jeune lycéenne, fan de John Travolta, et éperdument amoureuse d’un adolescent apprenti dragueur et philosophe. La grande force du film provient de sa condensation temporelle et spatiale. Trois lieux et trois temps d’une même journée suffisent à raconter les angoisses profondes de cette jeunesse tiraillée entre la raison et la passion, entre le devoir et l’envie de liberté. Mais la liberté, prônée par l’enfance insouciante, est quelque chose qui se consume avec férocité. Si le film se déroule à la fin des années 1970, avec l’adaptation affirmée de La Fièvre du samedi soir, la cinéaste témoigne avec justesse de la difficulté du passage à l’âge adulte, la fin de l’adolescence étant montrée comme le temps des contrastes, des doutes, et du tiraillement des affects. Un grand film sur la jeunesse révoltée et insoumise.

Travolta et moi de Patricia Mazuy [Arte]

24 avril : L’Appât (1995) de Bertrand Tavernier, présenté par Clément Marguerite

Lauréat de l’Ours d’or à la Berlinale de 1995, L’Appât est loin d’être le film le plus connu de Bertrand Tavernier. Il semblait donc intéressant de le montrer, en partie pour rendre hommage à celui qui nous a récemment quittés. Si l’affaire Hattab-Sarraud-Subra dont s’inspire le film s’est déroulée dans les années 1980, un carton d’ouverture nous précise que L’Appât constitue bel et bien une tentative de filmer la jeunesse de la décennie suivante.

Le film met en scène trois jeunes parisiens qui braquent et tuent des hommes pour récupérer assez d’argent afin de partir aux Etats-Unis pour y lancer une affaire. L’Appât se présente dès lors comme une critique des rapports qu’entretient la France avec l’hégémonie culturelle américaine : on sent bien que la quête de « rêve américain » de ces trois personnages est d’abord guidée par des images de TV shows, de publicités et de films – à l’instar de celles de Scarface, que les trois jeunes regardent au début du film.

La singularité de L’Appât est de ne pas se livrer à cette critique avec dédain et cynisme. Si le comportement des personnages est souvent glaçant (ce que les coupes sèches d’un montage relativement elliptique soulignent avec brio – notamment la facilité glaçante avec laquelle ils se remettent de l’idée d’avoir ôté une vie), Tavernier filme ses personnages avec une forme d’empathie distante, pudique, sans surplomb ni hypocrisie : c’est une errance, et non un procès d’intention, qu’il décide de mettre en image. L’Appât constitue en effet moins une fable moralisatrice que le portrait d’une jeunesse tiraillée entre la fin des trente glorieuses (contexte de l’affaire dont s’inspire le film) et le rayonnement de la culture américaine, au lendemain de la guerre froide (contexte du film lui-même).

Bruno Putzulu (Bruno), Marie Gillain (Nathalie) et Olivier Sitruk (Eric) dans L’Appât de Bertrand Tavernier [Bac Films]

22 mai : Les Apprentis (1995) de Pierre Salvadori, présenté par Hugo Palazzo

Au même moment où des cinéastes américains comme Richard Linklater et Kevin Smith cherchent à comprendre le malaise existentiel qui les pousse au désœuvrement, Pierre Salvadori réalise Les Apprentis, leur donnant un équivalent français de haute tenue. Avec ce second long-métrage, Salvadori retrouve le jeune Guillaume Depardieu, qu’il avait dirigé dans le charmant et lunaire Cible émouvante (1993), et lui adjoint François Cluzet, qui tournait déjà depuis quinze ans. Le résultat est une ode douce-amère à l’amitié, masculine mais pas que, qui repose sur une verve comique mêlant spontanéité et précision, tout en proposant un traitement sensible du manque de sens et de la dépression. Par la suite, Salvadori restera un artisan respectable d’un cinéma d’auteur à visée populaire, mais ne réatteindra pas l’équilibre magique de ce film séminal – un constat qui décuple son pouvoir d’émotion…

Guillaume Depardieu et François Cluzet dans Les Apprentis de Pierre Salvadori [Les Films du losange / Les Films Pelléas]

Affiche : Création Mimésis, Villeurbanne, 2022

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