Critique de Ori and the Will of the Wisps, jeu de Moon Studios (sorti le 12 mars 2020)

Né trop tard pour avoir connu la guerre entre Mario et Sonic, j’ai passé le plus clair de mon enfance à saigner Dragon Ball Z : Budokai Tenkaichi sur PS2 et à beugler « Encore du travail ? » devant mon écran d’ordi. N’ayant jamais été adepte des jeux Nintendo, je suis passé presque entièrement à côté des sagas fondatrices Metroid et Castlevania. Pourtant, et même si elles ne sont plus vraiment au cœur de l’actualité vidéoludique actuelle, c’est dans leur droite lignée que se placent certains des tout meilleurs jeux d’aujourd’hui, Ori and the Will of the Wisps dans le peloton de tête.
C’est en 2015 que je tombe, candide, sur Ori and the Blind Forest : une claque visuelle, sonore et émotionnelle monumentale concentrée dans un petit jeu terminable en une dizaine d’heures. Celui-ci s’inspire justement des deux séries de jeux citées précédemment dans l’organisation de son univers jouable et de ses mécaniques de jeu, entrant ainsi dans la catégorie bien nommée des « metroidvania ». Ces titres se définissent notamment par un espace jouable séparé en plusieurs zones à thématiques variées, chacune truffée de secrets à découvrir lors de l’exploration ou en repassant méthodiquement chaque recoin après coup, souvent après avoir débloqué de nouvelles compétences de mouvement (double saut, escalade…) Dans Ori and the Blind Forest, il s’agit de la forêt tourmentée de Nibel, que vous explorez sous la forme d’un petit animal de lumière, fils de l’Arbre aux Esprits – la force vitale de la forêt, qu’il vous faudra reconstituer. C’est Ori and the Blind Forest qui m’a fait tomber la tête la première dans la marmite des metroidvania, source intarissable de pépites certainement devenue depuis mon genre préféré.

Ce serait donc un doux euphémisme que de dire que, cinq ans plus tard, j’étais excité comme une puce à l’idée de jouer enfin à Ori and the Will of the Wisps, la suite du premier opus annoncée à l’E3 2017. Dans cette suite directe, vous incarnez toujours Ori, coulant des jours paisibles avec sa famille adoptive immédiatement après les évènements du jeu précédent. Mais lors du premier vol de la petite chouette Kun, les deux compères sont séparés par une tempête et s’échouent dans la forêt voisine de Niwen. Après cette cinématique d’ouverture à vous tirer les larmes (ça ne paie pas de mine, raconté comme ça, mais je vous jure), le jeu peut commencer. Somme toute, rien de très différent par rapport aux premières aventures d’Ori : la forêt, jadis noble et belle, s’est peu à peu dégradée et peuplée de créatures peu recommandables. À vous de partir à la recherche de Kun et d’en profiter pour aider ce qu’il reste d’habitants bienveillants en Niwen à redonner sa gloire d’antan à leur forêt.

Ori, c’est avant toute chose une ode à la beauté de la nature, présentée sous forme de fable aux forts accents Ghibli – jusqu’à la trame principale du scénario, quasiment identique à celle de Nausicaä. Si les inspirations sont claires, on ne les avait pas vues aussi bien remaniées dans un jeu vidéo avant Ori, qui revisite et s’approprie complètement son sujet. La direction artistique du titre est impeccable, de la bande originale à la patte graphique très particulière, aux couleurs vives et lumineuses.
Des marais au désert en passant par le moulin abandonné et les cimes enneigées, Ori virevolte au-dessus du danger sans rechigner à faire parler la poudre lorsque c’est nécessaire. Le gameplay d’Ori and the Blind Forest plaçait le mouvement au centre : l’agilité croissante du personnage à mesure que vous débloquez de nouvelles compétences de mouvement devient véritablement enivrante et met vos réflexes à l’épreuve lors de combats de boss prenant souvent la forme de courses-poursuites effrénées. En revanche, si cet élément clef est conservé (et encore amélioré) dans ce second opus, vous jouissez d’une liberté bien plus grande pour ce qui est de donner des leçons de savoir-vivre aux scorpions, guêpes et araignées qui tenteront de vous pourrir la vie. Là où il suffisait auparavant de s’approcher de l’ennemi et de cliquer frénétiquement sur un bouton pour émettre des projectiles à tête chercheuse, vous disposez maintenant d’une épée et, plus tard, d’un marteau ainsi que d’un arsenal de sorts pour expédier les trouble-fête dans l’au-delà.
Ces nouvelles mécaniques de combat permettent à Ori and the Will of the Wisps de proposer quelques véritables combats de boss. Les séquences de contre-la-montre avec une chouette enragée aux trousses sont sûres aussi bien de vous faire manger votre proverbial chapeau que de susciter votre exaltation une fois l’obstacle enfin surmonté. Cependant, il est des humeurs que rien n’apaise mieux que d’asséner un grand coup de marteau sur un crapaud. Enfin, on se comprend.

Cependant, l’élégance des visuels et des mécaniques de jeu parfaitement huilées ne font que reposer sur un espace de jeu extrêmement bien construit, composé de nombreuses zones interconnectées que vous arpenterez à loisir. Ce qui rend cet espace vivant, ce n’est pas tant les petits ennemis assez anecdotiques que les nombreux personnages non joueurs, habitants de la forêt subsistant tant bien que mal que vous pourrez aider à reconstruire leur habitat, ou explorateurs comme vous avec qui vous pourrez échanger des informations et des reliques. Le monde regorge également de passages secrets, de murs destructibles et d’objets cachés qui font que vous ne serez jamais lassé de continuer votre promenade en forêt.

En somme, je ne peux que conseiller cette belle épopée féérique aussi bien aux fans invétérés de metroidvania qu’aux plus novices. Si le monde est très riche, le titre n’est pas trop intimidant dans sa longueur, une grosse dizaine d’heures à peu près, ce qui d’un côté le rend accessible… mais à la fin, on en redemande !
Crédits : Microsoft