Ascent : Comment faire de sa musique un jeu vidéo

 

Critique du jeu vidéo Ascent de D-Pad Studios, 2013

Chez Good Time, on aime bien tout ce qui est transmédias, tout ce qui joue avec les frontières. Il était donc évident de parler du jeu vidéo Ascent développé par D-Pad studio. Ce jeu sorti en 2013 n’est pas une adaptation mais une extension vidéoludique à l’univers créé par Savant dans ses albums. Savant est un compositeur de musique électronique qui oscille entre de l’électro pure, de l’EDM, de la house, de la dubstep, de la trap, du glitch-hop ou des productions plus inclassables. Savant aime surtout exploiter dans son propre univers celui vidéoludique. On retrouve ainsi des morceaux comme Konami Kode ou Vario 64. La culture pop et le jeu vidéo sont très présents dans le processus créatif de Savant, à tel point qu’il compose Protos, album sorti en 2014 reprenant les codes des musiques de jeux vidéos ou de génériques des années 80 (avec le magnifique Laser Sharks que je vous conseille). Dans Ascent, on joue le personnage d’Alchemist, qui est aussi le titre d’un morceau de Savant, qui doit vaincre une mystérieuse orbe l’ayant expulsé de sa tour. Lors de l’affrontement final, cette orbe révélera un faux true last boss qui sera Vario.

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Pochette de l’album Vario

Sous la forme d’un shoot’em up bien ficelé, Ascent propose de littéralement mettre en scène l’univers graphique et sonore de Savant. L’ascension de la tour se fait ainsi dans des décors proches du steampunk mais très influencés par la magie. Graphiquement, le jeu est un réel plaisir (quoique peut-être à éviter pour les épileptiques), du charadesign aux animations, on retrouve très bien cette patte artistique propre à Savant. Le jeu est très marqué par l’artiste puisque le rôle de sa musique est central. La progression se fait ainsi à l’aide de CD, qui débloquent des capacités spéciales. Ces capacités spéciales sont honnêtement indispensables pour s’en sortir un minimum. On trouve un mode scénario assez classique et rapide à faire, sans grande difficulté. Toute la saveur du jeu se trouve plutôt dans le mode Endless, un mode survie à la difficulté exponentielle. Le challenge y est véritablement présent et le plaisir de jeu est accentué par la progression verticale, accompagnée des morceaux de Savant qui vous pousse littéralement à tenir le plus loin possible. Ce mode Endless est, en un sens, l’incarnation pure en shoot’em up de la musique de Savant. L’apparition des ennemis, les moments d’accalmie ou le rythme rapide des morceaux s’accordent parfaitement à la logique de progression, de survie et de jeu. On ressent ainsi un réel plaisir à se mettre à tirer sur tout ce qui bouge dès lors que les ennemis apparaissent au moment du drop des morceaux (effet facile mais effet réussi et bien maîtrisé).

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Avec ce mode Endless, on peut constater deux spécificités du jeu. D’abord, jeu vidéo et musique sont réunis à travers la logique de progression et le gameplay. Ensuite, Ascent est un shoot’em up qui nous met en position de défense. Le personnage est central et il s’agit de détruire les ennemis avant qu’ils n’attaquent ou de les esquiver. De sa position centrale, Alchemist peut se déplacer, soit à une autre position, soit d’un simple saut. On se retrouve alors avec un gameplay à choix restreint puisqu’il s’agit de sans cesse se déplacer de la position A à la position B et vice versa. Le jeu exploite bien cette logique de déplacement. Se déplacer n’est pas qu’esquiver puisque la première capacité débloquée est celle de tirer en salve lors du premier tir. Il s’agit alors de toujours bouger pour déclencher ce premier tir et être plus efficace. Toutefois, le déplacement ne concerne pas seulement le personnage. La nécessité d’une constance d’un mouvement concerne aussi le viseur. Il ne s’agit pas de le bouger partout pour tirer sur tous les ennemis mais de le déplacer au maximum pour observer la zone de jeu. De manière assez intelligente, l’écran ne montre pas tout l’espace du jeu et donc tous les ennemis. Il faut alors cumuler le déplacement du personnage à celui du viseur qui va éclairer des zones et confirmer ou non la présence d’ennemis. D’autre part, le mouvement concerne aussi les ennemis, le jeu s’appuyant ainsi sur une logique de confrontation mobile, le choc étant synonyme de perte d’une vie. Plus qu’une logique de pattern, les ennemis sont programmés selon une modalité de mouvement, devenant ainsi l’incarnation d’une partie de la musique de fond. Chacun dispose d’une certaine rapidité ou au contraire d’une certaine lenteur, avec différents points de vie et différentes manières d’attaquer. En ce sens l’écran du jeu est saturé par le mouvement : celui du personnage, celui du viseur, celui des ennemis. À ce mouvement, on ajoutera celui de la progression verticale du mode Endless ainsi que le mouvement même de la souris manipulée par la main. Le jeu fonctionne bien car il tourne autour de la question du mouvement et s’accorde ainsi avec une logique musicale. En réalité, le mouvement le plus présent dans le jeu est celui des morceaux de Savant, qui habillent et soulèvent complètement le jeu, transformant l’expérience vidéoludique relativement classique du shoot’em up en véritable plaisir de jeu. Ainsi, ce qui se crée à l’écran, ce que l’on crée en jouant, donne lieu à une harmonie, qui réunit harmonie vidéoludique et harmonie musicale.

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Ascent est surtout réussi par son immersion. Graphiquement, le jeu est beau mais surtout lisible, le mode Endless en est un bon exemple. Les ennemis, les tirs, les mini-boss, les flèches et les flashs ont beau s’accumuler sur l’écran et le personnage être toujours en mouvement, l’action se vit et se comprend, en laissant une certaine importance aux réflexes. Surtout, il n’y a pas d’effet panique alors même que tout ce chaos graphique est accompagné d’une musique électronique au BPM souvent assez élevé. Le développement du jeu a été intelligent dans le choix de sélectionner et retravailler des morceaux précis de Savant plutôt que de vouloir bourrer le jeu de tous ses morceaux. C’est aussi pour cela que ce jeu vidéo peut aussi être considéré comme un album de Savant, qui travaille à la fois le medium videoludique mais aussi le medium musical. De fait, débloquer un morceau n’est pas juste débloquer une capacité spéciale, au contraire, on débloque une toute autre ambiance de jeu, sachant que les morceaux peuvent être lancés à l’envie une fois débloqués, ce qui souligne de nouveau l’hybridité de l’oeuvre entre jeu vidéo et album. La musique est non seulement plaisante mais elle augmente cet effet d’adrénaline, de concentration et d’epicness qu’il y a à affronter seul un nombre phénoménal de machines-ennemis. Le jeu a l’intelligence de reposer sur le mouvement rapide et spontané : ainsi, très souvent, le rythme de jeu correspond au rythme de la musique mais aussi à sa mélodie. Il faut par exemple s’imaginer la distorsion propre aux sons de dubstep se déclencher au moment où l’on tire une salve, l’effet est plutôt jouissif.

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Il faut saluer Ascent déjà parce que c’est un jeu réussi mais encore plus parce que c’est un jeu fait par et pour un musicien qui n’est pas tombé dans le piège du collage. La musique et le jeu vidéo sont traités ensemble et fonctionnent ensemble. Il n’y a pas de séparation gênante qui donnerait l’impression que l’on a développé un jeu vidéo puis ajouté des musiques de Savant. Si vous aimez un minimum les shoot’em up ou si vous voulez juste jouer à un petit jeu sympa (et à 2€ sur Steam) qui propose un peu de challenge, je vous conseille très vivement de profiter de ce beau produit qu’est Ascent.

 

Crédits : Steam community, D-Pad Studio, Savant

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